
La célébrissime Foire, en mode COVID, met à disposition des éditeurs des études (« White Papers ») gratuites. La dernière, produite par la firme de gestion Gould Finch s’intitule : The Future Impact of Artificial Intelligence on the Publishing Industry
Si vous croyez que le numérique a modifié/transformé/bouleversé votre travail d’éditeur ou d’auteur, nous ne saurions trop vous recommander de jeter un œil sur l’étude, et sur toutes celles qui sortent gratuitement. L’Intelligence artificielle (IA) promet de bien plus grands bouleversements.
Avec 27 ans de recul et après avoir participé ou assisté nous-mêmes à des tonnes de célébrations quasi mystiques à propos des effets bénéfiques extraordinaires pour les entreprises de telle ou telle technologie, permettez-nous de prendre le contrepied des propos de Gould Finch et de vous expliquer pourquoi éditeurs et auteurs doivent se méfier de l’Intelligence artificielle (IA).
D’abord parce que l’IA risque d’accentuer le clivage économique entre les grandes maisons d’édition et les petites et moyennes boites. Pour une maison de 5 ou 6 personnes, même la gratuité des réseaux sociaux sur le plan promotion représente un coût financier puisqu’il faut y dédier le temps de quelqu’un. L’IA? La majorité des maisons n’ont pas les moyens d’internaliser l’expertise nécessaire pour la manipuler et encore moins pour faire appel à des services extérieurs.
Corollaire à l’argument, les GAFAs, qui n’ont pas de problèmes financiers, vont en profiter pour accroitre leur contrôle sur la diffusion, la commercialisation, mais éventuellement aussi la création de livres.
L’un des problèmes les plus toxiques créés par les algorithmes des Google, Facebook et compagnie est de « proposer » aux utilisateurs des contenus en fonction des préférences que l’algorithme leur suppose, créant de facto une ségrégation parmi les contenus disponibles et pertinents.
Cette ségrégation, culturelle ici, va s’accentuer, nuire à la visibilité des œuvres, nuire à l’universalité de l’accès et favoriser indûment les «best-sellers » au détriment d’autres livres.
Avec ses formules « d’aide à l’écriture », proposant des structures narratives « à succès » l’IA risque d’uniformiser la création et en fait, de l’étouffer à petit feu.
Corollaire nauséabond, l’IA va en même temps « industrialiser » le travail d’auteur. Elle ne va pas le remplacer, mais va le forcer à se conformer à un système de production à la chaine.
Voilà donc autant de bonnes raisons non pas de fuir l’Intelligence artificielle, mais au contraire de s’y intéresser de très près afin de prévenir les dégâts parce que cette fois-ci, les gens de l’édition n’auront pas le temps de guérir avant de disparaitre ou de devenir invisible dans la conformité.