Fondée en 2008, publie.net, située à Montpellier en France est l’une sinon la première plateforme d’édition numérique francophone. Mammouth a interrogé son éditeur Guillaume Vissac.
Mamouth numérique (MN) : Quelles sont les origines de publie.net ?
Guillaume Vissac (GV) : publie.net a déjà plusieurs vies. Fondée par l’auteur François Bon la maison a d’abord été pensée comme une coopérative d’auteurs éditant en mode numérique. Concentrée sur la littérature contemporaine la maison publiait via de nouveaux formats distribués par le Web.
Petit à petit, le publie.net actuel s’est construit. En 2012 la maison s’est ouverte à l’imprimé puis en 2014 François Bon a décidé d’arrêter. Un collectif, composé d’auteurs maison et de travailleurs de la coop s’est mis en place pour racheter l’entreprise et en faire un modèle davantage professionnalisé et adapté aux caractéristiques de l’édition d’aujourd’hui. publie.net a cessé d’être une coopérative. Maintenant la maison publie autant des livres numériques que des livres papier ou des objets Web. Le fil commun c’est que nous favorisons les littératures qui se partagent.
MN : Quelle est l’influence du numérique dans le travail de l’équipe éditoriale?
GV : Auteurs, graphistes ou moi en tant qu’éditeur, ce qui nous lie et nous motive tous c’est le Web. Notre travail s’est toujours fait essentiellement à partir du Web qui réunit aussi nos intérêts personnels. Plusieurs d’entre nous sommes également auteurs. Mais les lectures qui nous attirent et nous inspirent nous les trouvons aussi à partir du Web. Les auteurs que nous publions programment ou expérimentent via un site ou alors interviennent d’une manière ou de l’autre sur le Web également.
MN : Comment fonctionne la maison d’édition dans la vie de tous les jours?
GV : Nous sommes une boite atypique et ça se reflète aussi dans la manière de vendre. Par exemple ceux qui achètent un de nos livres papier trouvent à l’intérieur un code qui leur permet de télécharger gratuitement la version numérique. Nous maintenons également des prix bas. Pour nous le juste prix d’un livre numérique doit se situer sous le prix d’un livre poche papier.
Le livre numérique constitue de 20 à 25% de nos ventes. Nous misons également sur un volet abonnement qui se développe beaucoup et qui possède un solide potentiel de croissance à terme, surtout au niveau des collectivités et des bibliothèques, par exemple à l’Université de Montréal.
Avec les auteurs nous accordons pour le numérique des taux plus élevés que la moyenne de l’industrie. Comme les dépenses sont nettement moins élevées que pour le papier, l’auteur reçoit environ 30% du revenu hors-taxes. Pour le papier nous sommes évidemment plus limités dans ce que nous pouvons accorder. Nous avons également un taux spécifique pour chaque autre catégorie de vente, par exemple les abonnements. Ce qui nous caractérise de manière spécifique c’est l’implication que nous avons de la part de nos lecteurs. Le format abonnement crée une véritable communauté de lecteurs qui nous suit et qui a un effet concret de recommandation
J’anime aussi en ligne un carnet de bord de la maison. Ça a pas mal de succès. L’édition étant un milieu assez fermé, le lecteur n’a pas accès à l’aspect « cuisine » et ce carnet nous permet d’avoir une relation directe avec les lecteurs.
MN : Comment est-ce que le milieu vous perçoit?
GV : Nous sommes certainement mieux perçus maintenant qu’il y a 5 ou 10 ans. Nous participons aux différents salons et à certains marchés du livre, comme le marché de la poésie. Les éditeurs voient bien que nous sommes sérieux et que nous avons en commun les mêmes réalités qu’eux : la littérature, les auteurs, l’imprimerie, etc. ce qui aide également c’est que les médias parlent de nous et forcément cela influence le regard de nos pairs.
MN : Quelle est votre perception des littératures numérique ou nouvelles littératures.
GV : Notre regard là-dessus est très franco-français. Personnellement je me méfie des noms mis sur des pratiques d’écriture. Par exemple il existait des formes d’écriture à contrainte bien avant Twitter. Une question que nous devons également nous poser comme éditeurs c’est comment partir du format, par exemple Twitter, pour arriver au livre? Enfin, de manière générale, les universités ont généralement 10 ans de retard sur ce qui se fait dans la réalité. Leur manière d’analyser et étiqueter une pratique n’a pas nécessairement d’écho hors de leurs murs.
MN : Est-ce que vous obtenez du support de la part des structures régionales?
GV : Oui. Nous profitons d’un bon support de la région Occitanie sur des projets divers. Pas des projets de publication de livres mais des projets d’envergure afin de promouvoir le catalogue papier auprès des librairies, développer l’offre numérique aux bibliothèques et nous raccorder à elles. Nous avons besoin de ces soutiens institutionnels pour survivre.
MN : Comment voyez-vous votre rôle d’éditeur?
GV : Pour la sélection des textes, chaque éditeur a sa sensibilité propre et chez publie.net nous sommes très attentifs à ce qui se publie sur le Web. Je me sens plus utile dans le travail avec les auteurs. En plus d’écrire je construis également aussi des sites Internet, dont certains sont créés pour recevoir un projet spécifique comme Kalces.
Nous possédons une quinzaine de collections dont une dizaine d’actives. Nous avons parmi elles des univers variés pour le théâtre, la poésie, etc. L’aspect graphique est très important pour nous et nous y accordons le soin approprié. Notre graphiste, Roxane Lecomte, possède une grande habileté pour changer de registre selon et le ton de la collection, et celui du livre.
Contrairement à la poésie traditionnelle, nos couvertures de poésie sont très colorées. Parmi toutes, notre collection ArchéoSF se distingue et les lecteurs viennent nous en parler dans chaque salon.