Démarrée en plein été, en juillet, Revue H se veut le premier projet de revue littéraire francophone appuyée sur les cryptomonnaies. En plus de sa présence Web, Revue H niche également sur la plateforme de publication Steemit
Particularité de cette plateforme : elle récompense tous les acteurs de la chaine de publication en mode média social : les auteurs, ceux qui partagent les contenus et permettent de les faire connaitre et ceux qui aiment et donnent une première visibilité à ses contenus. La plateforme pour se faire a sa propre cryptomonnaie, le steem
Cette cryptomonnaie est strictement dédiée à la publication!
L’équipe fondatrice espère que l’installation sur Steemit va lui contribuer à payer les auteurs et les frais de la revue et lui permettre ainsi de s’ancrer dans la pérennité. Le mode de financement choisi distingue radicalement des autres la Revue H. Mammouth s’est entretenu avec Walid Romani son idéateur.
Mammouth numérique (MN): Comment est né le projet de la Revue H?
Walid Romani (WR): Il y avait déjà plusieurs revues littéraires sur le Web et je ne voulais pas en rajouter une nouvelle. J’avais certes l’envie de faire quelque chose, mais il fallait pour moi que ce soit différent, que ça apporte quelque chose de neuf au genre. Lorsqu’il y a deux ans je suis tombé sur Steem et les cryptomonnaies, il y a un déclic qui s’est fait.
Il faut comprendre que les revues littéraires sont très difficiles à financer. Le système de subvention favorise les grandes revues qui possèdent déjà un tirage solide. Au fil des ans, parmi tous les projets de revue littéraire que j’ai pu voir, seules les plus importantes d’entre elles ont pu survivre.
MN : Justement, comment ce projet-ci s’est-il construit?
WR: Pour le contenu je souhaitais trouver des textes originaux, quelque chose avec un ton nouveau qui sorte du cercle fermé des études littéraires.
Je ne voulais justement pas des auteurs qui écrivent pour le milieu littéraire. Ça produit en général des textes qui manifestent par trop la conscience de soi. Alors tranquillement, une équipe s’est assemblée autour sentiment commun. Le premier fut Boris Nonveiller, dont j’apprécie le regard extérieur au monde littéraire. L’élément qui a vraiment orchestré toute la démarche cependant reste le désir de mettre en place un système offrant la possibilité de rémunérer les auteurs, lesquels doivent souvent œuvrer gratuitement. Steem permet cela.
MN : Comment en êtes-vous arrivé à travailler avec Steem?
WR : À l’origine, je croyais que nous pourrions lancer notre propre plateforme de cryptomonnaies. Nous aurions ainsi pu financer systématiquement des publications différentes.
Sauf que le système financier québécois assimile la cryptomonnaie à des valeurs financières. Lesquelles tombent alors dans le giron de l’AMF (Autorité des marchés Financiers).
Pour lancer une cryptomonnaie, l’AMF exige la publication d’un prospectus comme pour une opération boursière. Les seuls frais d’avocats pour ce faire s’élèvent à autour de 15 000 $ (10 000 euros). Avec ses 5 millions d’utilisateurs, Steem était déjà en place et crédible. En 2017, il n’y avait pas nécessairement d’autres cryptomonnaies qui se dédiaient à la publication de contenus.
Après avoir exploré Steem et compris son fonctionnement, nous avons lancé une opération de sociofinancement. Nous avons récolté nettement moins que les 10 000$ (7 500 euros) souhaités. Mais nous avons quand même été en mesure sur « Steem » de créer un « bloc » pour que ce « bloc », conservé en jachère pendant un certain temps selon les règles d’utilisation de Steem, ramène mensuellement à Revue H une forme de revenus d’intérêt. C’est essentiellement cet intérêt, né de l’ensemble de la masse monétaire en mode « Blocking » sur Steem, qui est partagé entre les auteurs et les éditeurs de la plateforme de contenus elle-même ( Steemit) et qui au final récompense nos auteurs. Steemit pour l’Instant compte près d’un million d’usagers.
Les autres revenus de la Revue H proviennent des votes que les usagers procurent à chaque texte.
MN : Ça doit quand même prendre une grande masse d’usagers pour faire fonctionner la plateforme?
WR : Steem n’est pas un système parfait. Tout d’abord le processus dans l’ensemble est complexe. Ensuite sur Steemit les contenus sont très difficiles à trouver.
L’accès à Steemit n’est pas facile non plus et entrer dans le système financier de Steem encore moins. Enfin, il y a très peu de francophones sur Steemit : quelques centaines à peine.
Publier de manière hybride, c’est-à-dire à la fois sur Steemit et sur un site Web à permis de régler ces deux problèmes : celui de la facilité d’accès et celui des lecteurs francophones. Sur le Web les textes sont immédiatement accessibles et les usagers peuvent donner à chaque texte des points et pour ce faire payer de manière très simple à l’aide de Paypal ou de leur carte de crédit. Bien sûr, la transaction entre dans le système de Steem, mais c’est beaucoup moins complexe que passer par Steemit.
Autre irritant : la fameuse longue traine si chère aux médias sociaux est inutile sur Steemit qui impose une limite de 7 jours pour voter pour un contenu. Découvrir un auteur ou des articles à un moment donné dans le temps et remonter toute la chaine pour récompenser auteurs et/ou éditeurs devient donc impossible et voilà un avantage traditionnel des médias sociaux qui disparaît.
Quand je regarde ces obstacles, je ne peux que constater que Facebook a un énorme avantage sur tous ses compétiteurs dans le secteur des cryptomonnaies; la plateforme profite d’une extraordinaire expérience utilisateur. Les équipes de design et de gestion de Facebook connaissent déjà tous les problèmes possibles.
MN : Comment envisagez-vous la suite?
WR : Élargir la présence de Revue H à d’autres plateformes de publication en mode cryptomonnaie, par exemple Tribe, actuellement en version bêta. Ensuite, la présence visuelle et financière de Revue H peut être augmentée en migrant vers d’autres plateformes de contenus qui fonctionnent avec le Steem par exemple DTube, dédiée à la vidéo.
Je crois que la blockchain peut contribuer à assurer à terme l’avenir du contenu numérique. Il faudra voir cependant comment la situation évolue dans les prochains mois. Notre équipe ne s’est fixé aucun objectif sinon de faire au moins un an et donc de publier les trois numéros annuels prévus à l’origine. La prochaine parution de Revue H devrait avoir lieu vers novembre ou décembre.
Note de Mammouth: Revue H est ouvert à tous les auteurs de la francophonie.